Pour élucider le sujet, il est nécessaire de dissiper certains malentendus et mauvaises interprétations sur les questions religieuses comme celles évoquées ici. Premièrement, dans quelle source religieuse est-il mentionné qu'il est permis à un père de tuer son fils ? Une telle conception est une aberration. Aucun jurisconsulte ou expert en loi islamique n'a émis un jugement allant dans ce sens. Les jurisconsultes se sont plutôt prononcés sur ceci : s'il se passe qu'un père tue son enfant, doit-il être exécuté pour cet acte interdit ? Les jurisconsultes déclarent dans ce cas que le père ne sera pas exécuté. Cela ne veut pas dire qu'il est permis à un père de tuer son enfant s'il le désire.
Deuxièmement, le fait que le bien fondé de certaines dispositions pratiques islamiques paraissent irraisonnables aux yeux de certains, n'affecte aucunement le problème. Car la raison dont il est question ici est régie par des caractéristiques propres dans la philosophie et la doctrine islamiques. Il ne s'agit dont pas de la raison telle comprise par tout le monde.
Troisièmement, on ne saurait être traité d'apostat parce qu'on ne partager pas la philosophie soutenant certaines dispositions islamiques. Après cette introduction, nous disons ceci : " La raison est le juge intérieur qui guide l'homme vers la perfection. Tandis que la législation religieuse (la religion) est le juge extérieur dont le rôle est protéger l'homme contre les actes abominables et le conduire vers la félicité. Il est alors impossible que les deux juges soient contradictoires.
Etant donné que la raison est un phénomène limité comme tant d'autres, il est tout à fait naturel que son domaine d'action soit également limité. On ne peut donc s'attendre qu'elle apporte des réponses aux plus petits détails des questions comme la résurrection ou certains petits éléments des ordonnances.
Donc les compétences de la raison limitées dans la matière ne lui permettent pas de connaître Dieu et son Essence illimitée. La raison peut s'employer à méditer sur les lois de la création et de la législation, quoi qu'elle ne puisse pas se passer de la révélation divine. La raison ne peut pas comprendre tous les détails comme la vie après la mort ou la nature des règles et dispositions islamiques sans l'appui de la révélation. Donc il n'existe aucune contradiction entre l'islam et la raison.
L'introduction dans la religion d'une question extérieure à celle-ci, le défaut des conditions et préliminaires pour le raisonnement, une perception singulière du concept de la raison nous placent souvent dans cette position inadéquate.
Il convient tout d'abord de lever certains malentendus au sujet de la religion, comme le problème qui se pose ici.
Premièrement : Dans quelle source religieuse est-il permis à un père de tuer son enfant ? Une telle conception est une aberration. Aucun jurisconsulte islamique n'a émis un jugement allant dans ce sens. Les jugements des experts de lois islamiques portent sur le cas où un père tue son enfant, la peine de mort sera-t-elle prononcée ou non à son encontre pour cet acte interdite ? Les jurisconsultes déclarent ici que le père n'est pas passible d'exécution. Cela ne veut pas dire qu'il est permis à un père de tuer son enfant s'il le veut.
Deuxièmement : rien n'affecte une question religieuse si certains n'arrivent pas à cerner ou admettre rationnellement la philosophie régissant certaines dispositions de loi islamique. Philosophiquement et théoriquement, la raison n'a rien à voir avec l'interprétation ordinaire que tout le monde prête à ce concept. La raison abordée par la philosophie et la théologie est une notion qui a des caractéristiques propres. Le bien fondé des dispositions de loi islamique n'a pas forcement besoin d'être approuvé par l'entendement de telle ou telle personne. La raison ici est loin de ce que le commun des mortels perçoit.
Troisièmement : ne pas admettre certains fondements des dispositions de loi n'entraine pas forcement une exclusion de la religion. Nous affirmons donc après cette introduction que la raison est en soi une faculté par laquelle les gens comprennent les réalités. Donc la raison est faite pour percevoir la réalité. En plus d'être une faculté par laquelle ont perçoit les réalités, la raison se présente aussi comme un protecteur du sens du discernement et de l'honneur.[1]
Le concept de la raison a une classification auprès des philosophes : la raison théorique; la raison pratique.
La raison théorique perçoit, comprend les choses et juges les réalités.[2]
La raison pratique est la force qui contrôle les réactions et les actes.[3] Elle s'emploie aussi à distinguer les devoirs et les interdits. La raison pratique est en fait la source des connaissances. Elle se demande si elle doit faire ceci ou non.[4] Selon les propos de l'Imam Sadiq (as), la raison pratique est le centre de la dévotion et le capital que l'homme investit dans la recherche du paradis auprès de Dieu : " Par la raison Dieu est adoré, et c'est avec elle que le paradis s'acquiert".[5]
Ainsi, la raison du thème de " la raison et la révélation" est la faculté grâce à laquelle l'homme comprend les généralités. Elle occupe une place importante dans la religion islamique. Allameh Tabâtabâ'i déclare dans le Tafsir al Mizan : " La raison est la plus grande force en l'homme.[6] Près de 300 fois le Tout-Puissant invite l'homme dans le Coran à faire usage de cette force qui est un don de Dieu"[7]. Selon Allameh, la place de la raison est si élevée que Dieu n'a jamais ordonné à l'homme dans le Coran de s'accrocher au prétexte de l'ignorance ou admettre aveuglement quelque chose.[8] Il n'existe donc aucune incompatibilité entre la religion et la rationalité. Certes, l'introduction d'une question extérieure à la religion dans le cadre de celle-ci, l'inaccessibilité des conditions et des préliminaires pour le raisonnement, une perception limitée du concept de la raison place l'homme dans une position inadéquate.
En se référant aux lumineux propos du principe des croyants l'Imam Ali (as) dans Nahjul Balagha, on peut lire ceci à propos de la mission prophétique du Messager de Dieu (ç) : " Toute ordonnance émise par la raison est une disposition approuvée par la loi divine"[9]. Le jugement de la raison équivaut à celui de la loi divine. L'inverse est aussi valable : " tout jugement de loi divine est un jugement de la raison "[10] Toute disposition de la législation divine va dans le sens du jugement de la raison. C'est pour cela qu'elle fait partie des fondements de la jurisprudence islamique. Ainsi, la loi de dieu et des Prophètes (as) ne contredit pas la raison. Tout ce qu'ils disent reflètent les fondements de la raison que l'homme a finis par ignorer à cause des inspirations sataniques. Les Prophètes (as) sont venus remémorer les principes de la raison et exhumés le sens du discernement que les gens ont enfoui quelque part au fond eux.
Il n'y a en réalité aucune distinction entre la stratégie des Prophètes (as) dans l'invitation à la vérité et ce que l'homme a acquit à l'issu du raisonnement logique. La seule différence se situe ici que les Prophètes (as) sont assistés par la lumière de la révélation divine. Quoiqu'Ils (as) fussent en contact avec le Tout-Puissant, Ils (as) arrivaient à se rabaisser pour s'exprimer dans un langage à la portée de l'homme ordinaire chez qui Ils (a) voulaient réveiller cette force intérieure innée. Les Prophètes (as) sont loin de vouloir mener aveuglement les gens à accepter les choses par contraintes. Le Coran déclare: " Dis: ‹Voici ma voie, j'appelle les gens à la religion d'Allah, moi et ceux qui me suivent, nous basant sur une preuve évidente. Gloire à Allah! Je ne suis point du nombre de ceux qui associent Dieu."[11]
Il n'y a donc aucune antinomie entre la religion et la raison ou la législation divine et la sagesse dont l'objectif commun est clair et précis. La vraie religion invite les gens à avoir la conviction sur le surnaturel avec des arguments rationnels. La raison et la tradition se côtoient: la raison assiste l'homme de l'intérieur, la législation et les saintes écritures le guident de l'extérieur et tous deux concourent à propulser l'homme vers la perfection. Comme le signifie l'Imam Moussa Kazim (as) dans ces propos: " Dieu a institué deux guides pour l'homme. Un guide externe et un guide interne. Les guides externes sont les envoyés de Dieu, les Prophètes et les Imams (as) tandis que la raison constitue le guide interne."[12]
Il est impossible que les deux entités s'opposent. En tant que guides, ils connaissent le chemin et la destination finale de l'homme. Selon le hadith de l'Imam Kazim (as), deux guides servent d'appui pour parvenir à Dieu l'Unique. Un guide agissant de l'extérieur et l'autre de l'intérieur. Soulignons surtout que ces deux voies ne sont pas indépendantes car elles ont mutuellement besoin l'un de l'autre. On ne peut atteindre le but sans le concour des deux. Car d'après l'Imam Hossein (as), la perfection de la raison réside dans l'adoption de la vérité.[13]. Et Dieu est vérité, dit le Coran[14]et la vérité vient de Lui[15]. Donc c'est en suivant la vérité que la raison atteint la perfection.
Suivre le guide extérieur est un ordre divin: " Les croyants! Obéissez à Allah, obéissez au Messager et à ceux d'entre vous qui détiennent le commandement. Puis, Si vous vous disputez en quoi que ce soit, renvoyez-là à Allah et au Messager, si vous croyez en Allah et au Jour dernier. Ce sera bien mieux et de meilleur interprétation et aboutissement."[16]
Le point le plus important est que les vérités religieuses ne collent pas souvent avec la raison formelle et mathématique cartésienne (pour Descartes, l'universalité de la raison n'a pas de sens et il n'en parle pas d'ailleurs; il centre sa pensée sur la raison mathématique prévisionnelle) ou bien avec la raison pragmatique ( pour la pragmatique, la raison productive est celle qui participe à résoudre nos problèmes empiriques) ou bien la raison théorique chez Kant ( selon Kant, la raison théorique est incapable d'apporter les solutions aux problèmes. Ici, les principes rationnels sont d'aucune valeur).
Il est donc claire que la raison formelle ou mathématique ne peut pas expliquer les choses tels que l'abnégation, le sacrifice de soi, le sens du partage, la foi en l'invisible et bien d'autres milliers de réalités islamiques fondamentales. Par ailleurs, il faut faire la part des choses entre la raison et l'illusion. L'illusion trône parfois sur la raison et confond les choses avec la réalité. Comme il est écrit dans le verset: " Ceux dont l'effort, dans la vie présente les égare alors qu'ils s'imaginent faire le bien."[17] En fait, leur imagination était assurément une illusion sans fondement.
L'harmonie et la cohérence qui règnent entre la religion et la raison dévoilent que le soit disant antinomie entre l'islam et la rationalité est infondée. Car les deux regardent dans la même direction. Nous sommes dans l'illusion chaque fois que fois que nous avons l'impression qu'un principe de la raison ne marche pas avec les vérités religieuses, ou si la démarche logique semble ne pas être respectée.
Retenons que dans les piliers et les pratiques de l'islam, certaines dispositions dépassent l'entendement. Et quoique la raison ne s'y oppose pas, elle n'arrive toutefois pas à saisir leur quintessence. Comme par exemple les fondements de la jurisprudence ou les détails de la résurrection.
Mais la question que vous avez évoquée peut être démontrée avec des arguments logiques et aucun contraste n'apparaît entre la raison et la révélation.[18] L'interdiction de l'usure en islam par exemple a une raison précise. L'islam rejette toute forme de profit acquit contrairement à ses principes économiques, même si le capitalisme prône et approuve qu'un tel profit, droit incontestable des actionnaires, est un moyen de contrôle virtuel de l'activité économique.
L'un des arguments qui cautionne le capitalisme est le risque qui légalise la nécessité de prélever la plus-value.[19] L'islam juge cet argument de risque et bien d'autres absurdes et interdit les profits et tout gain issu des jeux de hasard et des paris. L'usure creuse d'une part le faussé entre les riches et les pauvres, favorise la thésaurisation des biens et met les pauvres sous pressions.[20] Donc, "l'usure ou le profit " est non seulement illicite, il n'a aucun fondement logique justifiable.
La raison pour laquelle d'après nous, certaines dispositions pratiques semblent ne pas coller avec la raison relève de deux choses:
Premièrement : la raison formelle mathématique n'est pas capable d'expliquer certaines pratiques islamiques fondamentales.
Deuxièmement : Il faut distinguer entre la raison et l'illusion; et comme nous l'avons prouvé, on peut confondre la raison avec l'illusion.
En conclusion, l'argument logique est la preuve de Dieu. Quiconque aborde les saintes écritures avec toutes ses potentialités rationnelles, les sciences spirituelles authentiques lui souriront. Mais, si on regarde les choses avec une vision incorrecte et des déductions absurdes, on se retrouvera pris au piège de la confusion dans les textes religieux. Telle une auréole, la poussière de l'homme se dépose dans le contenu des saintes écritures.
En guise de réponse à la question, peut-on défendre rationnellement les questions religieuses générales ou élémentaires, il faut dire que la raison est indispensable pour connaitre la religion mais elle ne suffit pas. On ne peut pas défendre rationnellement les petits détails de la religion parce qu'ils ne sont pas démontrables, peu importe s'ils sont naturels ou relèvent de la loi. En d'autres termes, les détails intellectuels, manifestes, réels ou abstraits de la religion sont inaccessibles aux raisonnements. Et on ne peut pas justifier une chose qui n'est pas à la portée de la raison. Les généralités naturelles ou légales sont rationnellement justifiables.
Puisque la raison souffre d'un tel handicap face à plusieurs questions, elle a impérativement besoin d'être soutenue par la révélation. La logique de la raison stimule ceci :
Je réalise que je ne comprends pas beaucoup de chose et que j'ai besoin de la révélation.[21]
Pour en savoir plus, consultez les ouvrages suivants :
A- Réflexion dans le Coran, Allameh Tabâtabâ'i Sayyed Mohammad Hossein.
B- La philosophie théorique et pratique dans Nahjul Balagha de Abdoullah Jawad Amoli.
C- La législation dans la religion Abdoullah Jawad Amoli.
D- Connaissance de la religion Abdoullah Jawad Amoli, page 174.
E- Croyance et questions, Hadawi Tehrani, page 51-58.
F- Fondement scolastique de l'ijtihad, Hadawi Tehrani, page 280-284.
G- La revue Porseman, numéro 12, juillet 2002, article "l'islam et la raison": Harmonie ou contradiction, Rezanian Hamid Reza.
[1] - Ali Karaji, philosophiques et leur différence, page 171-172.
[2] - Paroles de Shahid Motahari, page 30-31.
[3] - Rahiq Makhtoum d'Abdoullah Jawad Amoli.
[4] - Paroles de Shahid Mortdha Motahari, page 30-31.
[5] - Ousoul Kafi, Koleiny, vol1 page 11, hadith 3.
[6] - Tafsir al Mizan, Allamh Tabâtabâ'I Mohammad Hossein, vol 3, page 57.
[7] - Tafsir al Mizan, Allamh Tabâtabâ'I Mohammad Hossein, vol 5, page 255.
[8] - Le rationalisme dans les exegètes du saint Coran du 4ème siècle, Nafisi Shadi,
age 194-195.
[9] - Nahjul Balgha, discours 1
[10] - Tahzib al Ousoul , Sayyed Abdou Alâ Sabzevari, vol 1, page 145, Ousoul Al Fiqh,
ozafar Mohammad Reza.
[11] - Sourate Youssouf :108.
[12] - Extrait de Mizan Ul Hikma, Mohammad :ohq;;qdi Ray Shahri, page 358, hadith 4387.
[13] - Extrait de Mizan Ul Hikma, Mohammad :ohq;;qdi Ray Shahri, page 359, hadith
407.
[14] - Sourate Loqman :30.
[15] - Sour ate Ali Imran : 60.
[16] - Sourate Nisa : 59.
[17] - Sourate Kahf : 104.
[18] - Si vous désirez avoir plus d'information sur les problèmes, formulez une questio
ce sujet pour qu'on puisse vous répondre après des recherches minutieuses.
[19] - Lire le système économique islamique de Hadawi Tehrani, page 180.
[20] - système économique islamique de Hadawi Tehrani, page 180-181.
[21] - Abdoullah Jawad Amoli, connaissance de la religion (Une série de leçon sur la philosophie de la religion) page 127-174.