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Ce hadith concerne l’une des questions relative à la connaissance de Dieu que les philosophes traduisent par « bourhâne siddiqine ». Ils estiment que le plus court chemin est la connaissance de la nécessité. Ce hadith stipule qu’on doit percevoir Dieu seulement par son essence parce que le recours au moyen n’est utile que pour la connaissance de ce qui est absent. L’homme ne peut jamais saisir l’essence de ce qui existe en se fondant uniquement sur les suppositions, les raisonnements, l’illusion ou sur les attributs qui sont extérieurs et contingents.
En effet, la connaissance se fait de deux manières :
Premièrement la chose qu’on veut connaitre peut être présente. On le maitrise avant de comprendre ses caractéristiques.
Deuxièmement, la chose qu’on veut connaitre peut être absente ou invisible. Dans ce cas, on étudie d’abord ses caractéristiques et à travers elles on saisit sa nature.
Puisque Dieu est présent, l’homme doit d’abord le connaitre et s’identifier ensuite à lui. Tout cela signifie que la plus proche voie pour parvenir à Dieu passe par Dieu lui-même et on a besoin d’aucun intermédiaire pour connaitre Dieu car son essence sanctifiée et unique est le plus évident témoignage de son existence.
Il est impossible à l’homme de saisir entièrement la nature et l’essence de Dieu car une créature limitée n’a pas la capacité de cerner complètement ce qui est illimitée. L’intelligence et la pensée de l’homme ne peuvent percevoir « son essence invisible » et s’aventurer sur ce chemin ne se solde que par l’errance, la perdition et l’égarement. Dieu est une existence absolue sans limite, ce qui fait qu’il n’y aucun moyen pour percer le mystère de son existence, ni par la pensée, encore moins par la raison et l’imagination. Toutes ces facultés sont incapables dans ce domaine. Le coran révèle à ce sujet « il connaît ce qui est devant eux et ce qui est derrière eux, alors qu'eux-mêmes ne le cernent pas de leur science. »[1]
On peut ainsi interpréter les propos de l’imam Sadiq (as) :
Nous ne pouvons pas percevoir Dieu au moyen des sens ou l’imagination parce qu’il n’est pas un être palpable provenant de la matière perceptible par les sens ou l’imagination. Dieu est l’existence abstraite supranaturelle. Or les sens et l’imagination ne saisissent pas la métaphysique. Dieu ne peut être saisit par le nom sans signification. Le nom[2] est un mot qui sert à désigner quelque chose ou à l’indiquer. Dès qu’on entend le mot mémoire se porter vers un sens particulier.[3] Comme l’imam le dit, ces mots sont institués [4] et l’existence et l’inexistence ne s’applique pas sur eux parce qu’ils sont contingents. Or l’essence de Dieu n’est pas contingente, il est la nécessité de l’existence. Nous pouvons avoir une idée de Dieu en passant par l’étude de ses nominations. Mais il faut savoir que cette connaissance est incomplète. L’imam Ali (as) a une déclaration épurant Dieu de tout attribut anthropomorphiste. Dans un autre hadith, l’imam précise que l’adoration du nom et de son sens est une manière d’associer Dieu à autre chose. Car on le compare à quelque chose quand on place son nom avec lui qui est une réalité au dessus de la nature. En d’autres termes on donne des associés à Dieu si on joint les attributs « savant » et « vivant » avec leur sujet. Toutefois on peut utiliser un nom ou un attribut qui traduit la perfection ou rejette toute imperfection dans la nature de Dieu. Les noms et attributs comme « omniscient », « omnipotent »n « vivant » peuvent s’appliquer à Dieu s’ils sont épurés de toute connotation matérielle généralement perçu par les hommes.
L’imam Ja’far Sadiq (as) continue son discours en disant qu’il est impossible de connaitre l’essence de Dieu à travers ses attributs parce que l’essence de Dieu est présente et l’appréhension des attributs doit suivre celle de l’essence. Comment peut-on saisir l’essence de Dieu en passant par ses attributs. Si on veut connaitre le sujet par son attribut, on se retrouvera en train de minimiser ce qui est grand. En réalité on ne connaitra pas Dieu avec un attribut conçu pour qualifier un objet « savant est un adjectif qu’on utilise pour qualifier la matière). Cela ne devrait nous pousser à croire que la raison et le discernement ne sont d’aucune utilité dans la connaissance de Dieu. Dieu ne doit pas être perçu de cette manière. L’imam Ali (as) dit à propos de la vraie conception de Dieu : «la véritable sincérité consiste à ne pas le (Dieu) concevoir à partir d’un attribut dérivé parce que chaque attribut est la preuve qu’il est distinct du sujet décrit, tout comme sujet décrit se démarque aussi de son attribut »[5] Et comme l’attribut et le sujet sont deux choses, cela implique le 1er extérieur est supplémentaire par rapport à l’essence de Dieu ce qui ne colle pas avec son unicité.
Le seul moyen pour accéder à l’unicité et la conception passe par la raison et la perception. Il existe deux formes de conceptions quand il s’agit de Dieu : Une conception émanant de l’être et l’autre acquise. La conception de Dieu émanant de l’être s’explique par la perception de Dieu sans s’appuyer sur les idées . Cela doit partir d’une impulsion intérieure. Il est clair que celui qui fonde sa conception sur Dieu à partir de l’intuition éveillée, comme le déclarent les grands gnostiques, n’aura plus besoin de démonstration ou d’arguments rationnels. Cette connaissance intuitive est possible à acquérir pour les hommes ordinaires après avoir subi une initiation et une purification de soi.
La conception acquise consiste à partir des idées générales telles que « le créateur qui se suffit »… pour aboutir à une signification occulte et imperceptible sur Dieu. On a donc une idée qu’il existe quelqu’un qui a créé ce monde.
On peut donc résumer les propos de l’imam Sadiq (as) en ces termes :
Nous n’avons plus besoin d’avoir recours aux attributs et caractéristiques descriptives pour connaitre quelque chose qui est présente et évidente. Son existence et sa présence suffisent pour le connaitre. C’est ainsi que se présente la connaissance de Dieu. Nous le connaissons et nous avons foi en lui. Nous savons que tout ce que nous possédons vient de lui. Lorsque tout ceci est encré dans notre être, nous percevons l’existence de Dieu. En d’autres termes ce hadith soulève une question importante sur la connaissance de Dieu. Que les philosophes et les gnostiques traduisent par « bourhan siddiqine ». Ils estiment que le meilleur moyen de connaitre Dieu consiste à le sentir en soi. Certains versets mentionnent évoquent cet argument. En effet Dieu est présenté dans certains versets comme l’origine de l’existence et celui qui couvre tout.[6] D’autres versets mentionnent que certaines créatures se joignent à lui[7] et une autre catégorie de versets révèlent qu’il est proche.[8] Et dans d’autres versets, on expose les niveaux de rapprochement :
- Il est écrit au sujet de l’agonie : « je suis plus proche que vous de l’agonisant »[9]
- plus loin encore, Dieu est plus proche de l’homme que ses organes comme l’aorte du cou.[10]
- Dieu évoque ainsi le niveau le plus élevé du rapprochement : « Sachez que Dieu est présent entre l’homme et son essence ».[11] Ce qui veut dire que l’homme est un être qui ne suffit pas et que Dieu est au sein de même de son existence.
Le coran déclare encore de manière plus abstraite : « nous leur montrerons nos signes dans l'univers et en eux-mêmes, jusqu'à ce qu'il leur devienne évident que C'est cela (le Coran), la vérité. Ne suffit-il pas que Ton Seigneur soit témoin de toute-chose? Ils sont dans le doute, n'est-ce pas, au sujet de la rencontre de leur Seigneur? C'est lui certes qui embrasse toute chose (par sa science et sa puissance). »[12] Allamah Tabatabai définit le mot « Shahid » comme « celui qui voit tout ». Ce qui donne au verset ce sens : « cela ne suffit pas que Dieu soit témoin de tout et que toutes les créatures sont pauvres et ont besoin de lui… »[13] Il est la réalité qui cerne toute chose de tous les côtés et rien ne peut contester cela, car même le contester est déjà une preuve qu’il existe. C’est pourquoi le coran précise qu’on ne peut vraiment douter de son existence.[14] Il est la lumière des cieux et de la terre, [15] la véritable lumière apparue d’elle –même et qui fait apparaitre d’autres. Il est la lumière des cieux et de la terre qui dans sa manifestation permet la contemplation et la visibilité des cieux et de la terre. Nous sommes donc contraints de le voir avant de contempler toute chose. Il n’ya aucun moyen de douter après l’avoir perçu, combien de fois le contester. Ce hadith rejette toute connaissance de Dieu qui ne passe pas par son essence parce que les indices et les caractéristiques ne servent qu’à concevoir ce qui est absent. On ne peut pas se fier aux suppositions ou partir des traits des critifs pour connaitre ce qui est.
En effet, la connaissance est de deux sortes :
Soit la chose qu’on veut connaitre est présente. Alors il faut le saisir avant d’étudier ses caractéristiques.
Soit la chose qu’on veut connaitre est absente ou invisible, il faut donc passer par ses traits descriptifs pour se faire une idée d’elle ; puisque Dieu est présent, l’homme doit d’abord le saisir avant de chercher à le comprendre. Tout cela pour montrer que Dieu est lui-même le moyen le plus proche pour ceux qui veulent le connaitre vraiment et tout auxiliaire n’a aucune place dans cette démarche. On peut donc résumer ainsi le hadith : « celui qui s’appuie sur les suppositions et les illusions pour connaitre Dieu est idolâtre. Et s’appuyer uniquement sur le nom et non la signification est une façon de proférer que Dieu est imparfait ; car les noms sont conçus (choisir par les hommes pour exprimer des choses or l’essence de Dieu a toujours été). Se fonder son adoration sur le nom et le sens pour comprendre Dieu est synonyme de l’associer à autre chose. Le sens appréhendé à partir de l’attribut et non de la perception laisse prévaloir l’invisible sur le concret. Et celui qui prend à la fois l’attribut et le sujet comme objet d’adoration, dévalorise l’unicité. Car le sujet se distingue de l’attribut (ce qui est incompatible avec l’unicité). Celui qui fusionne le sujet et l’attribut (c’est-à-dire chercher à connaitre le sujet à travers l’attribut) considère le grand comme un petit (et qui quiconque fait cela n’aurait pas compris Dieu comme il le faut)
On a demandé ce que signifie le monothéisme et l’imam a répondu : « la voie est ouverte au débat et à la recherche. Il faut connaitra l’être avant ses attributs (par exemple il faut connaitre l’homme avant de s’intéresser à ses caractéristiques comme l’intelligence, le savoir…). Avant de voir ce qui est absent, on doit se baser sur ses traits caractéristiques pour le saisir. Mais comme Dieu est là, il faut d’abord le saisir avant de regarder vers ses attributs ». On a encore demandé comment connaitre celui qui est présent avant ses attributs, l’imam a répondu : « d’abord ta connaissance et ta conception s’oriente d’abord sur lui proprement dit, ensuite tu t’identifie à lui. Cela ne veut pas dire que tu dois t’appuyer sur toi-même et ton existence pour connaitre Dieu. Car ce qui est dans ton être lui appartient. Dieu dit par exemple à Youssouf : « - ils dirent: ‹Est-ce que tu es... Certes, tu es Joseph!› - il dit: ‹Je suis Joseph, et voici mon frère. Certes, Allah nous a favorisés. Quiconque craint et patiente... et très certainement, Allah ne fait pas perdre la récompense des bienfaisants›. ».[16] Ses frères l’identifièrent en soi par sa présence, et non par un autre, ni par illusion ou le rêve.[17]
[1]- Sourate Taha: 11
[2]- Gouhar-e- Mourâd, Abdou Razak Lâ’iji, page 171
[3]- Ali (as) l’expression du nom de Dieu, page 17, extrait des œuvres de l’Ayatollah Javad Amoli
[4]- Ilahiyad, Ja’far Sobhani, page 30
[5]- Nahjul Balagha, page 24, traduction persane
[6]- Sourate Hadid: 3
[7]- Sourate Hadid: 4
[8]- Sourate Baqarah: 186
[9]- Sourate Waqi’at: 85
[10]- Sourate Qaf: 16
[11]- Sourate An’fâl: 24
[12] - Sourate Foussilat: 53 et 54
[13]- Tafsir Al Mizane, vol17, page 405
[14]- sourate Ibrahim: 10
[15]- Sourate Nour: 35
[16] - Sourate Youssouf: 90
[17]- Touaf’ul Ukoûl, page 326-329