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L’invitation générale de l’islam à l’acceptation de l’unicité de Dieu ne veut pas dire qu’elle impose à tout le monde d’embrasser ses fondements. La foi et les croyances qu’on impose n’ont aucune valeur. On ne saurait aussi interpréter cette position comme porte ouverte vers une dissension vis-à-vis de l’unicité de Dieu et le refus de toute autre divinité, un fondement sur lequel repose l’islam. Du point de vu islamique, un musulman élevé dans une famille religieuse qui non seulement décide de renier l’un des piliers de la religion, mais entreprend aussi des initiatives au-delà du cadre personnel destinées à semer dans les esprits la confusion entre le vrai et le faux doit pouvoir supporter les conséquences de son crime.
Islamiquement, l’apostat n’est pas condamné pour ses convictions personnelles. Quitter la religion sans inviter les autres à faire de même n’est passible d’aucune peine de condamnation en islam. Autrement dit, celui qui a vraiment fourni d’efforts pour accéder à la vérité a une excuse auprès de Dieu pour son reniement. Il ne passe effectivement pas pour un criminel si son acte s’arrête au cadre personnel. Si pas contre il n’a pas mené des recherches pour la vérité comme il se doit, il est aussi condamné dans la sphère personnelle. L’apostasie n’est pas seulement un crime personnel car en déclarant publiquement son reniement, le renégat viole aussi le droit public de la protection du sentiment religieux dans la société et menace la spiritualité de la population qui ne maitrise pas bien la chose. Au début de l’islam, un groupe d’ennemis avaient conçu un tel plan qui consistait à adhérer hypocritement à l’islam pour ensuite apostasier et compromettre la foi des musulmans.
Pour contrer cette menace, l’islam a fixé une lourde peine pour l’apostasie. Par ailleurs, elle a rendu drastique les conditions pour établir ce crime, et jusqu’ici un nombre restreint de personnes a été condamné pour un tel crime au début de l’islam. Raison pour laquelle l’impact psychologique de la condamnation est plus fort que l’exécution elle-même et cela permet d’assainir la société générale de ce genre de tentative. La condamnation de l’apostat en islam laisse comprendre au non musulman qu’il doit mener plus d’investigations avant d’embrasser l’islam. Cela empêche aussi la faiblesse de foi.
Quoique l’islam invite tout le monde à se joindre au mouvement pour le monothéisme, cela ne veut pas dire qu’elle oblige tout le monde à adhérer à ses principes car la foi imposée n’a aucune valeur[1]. Une telle position ne veut pas dire que l’islam donne la possibilité aux gens de se dresser contre ses piliers. Si ceux qui ont adhéré à l’islam et grandi dans une famille religieuse décident de renier l’un des fondements de la religion en s’y opposant, s’ils entrainent leur hostilité dans l’arène publique et sèment le doute entre le vrai et le faux dans l’esprit général, ils auraient commis un crime dont ils devraient supporter les conséquences pénales[2].
Il est alors clair que l’apostat n’est jugé que pour son crime public, même s’il est disculpé auprès de Dieu pour avoir fourni tous les efforts pour connaitre la vérité et qu’il n’est vraiment pas un criminel dans le cadre du droit privé. Pour mieux répondre à cette question, il est préférable d’exposer certains points relatifs à l’apostat tels que les conséquences néfastes de l’apostasie, son code juridique, la philosophie de la peine réservée à l’apostat…
1- Tout d’abord qui est considéré comme apostat ?
- L’apostat est celui qui a quitté l’islam pour devenir volontairement impie[3]. Sortir de l’islam veut dire renier l’un des piliers fondamentaux (unicité de Dieu, le mouvement prophétique, l’eschatologie). De même on parle d’apostasie si quelqu’un rejette l’une des nécessités de la religion- reconnue par tous les musulmans comme une évidence- de manière à ce que cela compromette la révélation divine[4]. L’apostasie se divise en deux catégories : L’apostasie innée et l’apostasie identitaire :
- L’apostat inné est celui dont le père et la mère étaient des musulmans lorsqu’il a été enfanté et qui a personnellement adhéré à l’islam pour ensuite l’abandonner[5].
- L’apostat identitaire est celui dont le père et la mère étaient impies lors de son enfantement et qu’après la puberté il a opté pour être impie, devient musulman par la suite et quitte l’islam après pour redevenir impie[6].
2-La sentence de l’apostat dans les religions célestes et les confréries musulmanes :
Dans la jurisprudence chiite, l’homme apostat a certains droits civils en ce qui concerne l’héritage et le mariage sur lesquels la question n’est pas posée apparemment. Voici le code pénal de l’apostat : l’apostat inné est exécuté et son repentir n’a aucune valeur auprès du juge. L’apostat identitaire est appeler à se repentir dans un premier temps. S’il se repend il est libre, dans le cas contraire il est exécuté. La femme apostat n’est pas condamnée à l’exécution, peu importe si elle est apostat innée ou identitaire. Elle est par contre exhortée à se repentir. Elle est libérée au cas où elle se repend, sinon elle reste en prison[7].
Dans la jurisprudence sunnite, l’avis le plus récurent stipule l’exhortation au repenti pour toutes les formes d’apostasies. Si l’apostat se repend, il est libre, mais ‘il s’obstine il est exécuté, peu importe s’il s’agit d’apostat inné ou identitaire, homme ou femme[8].
L’apostasie dans d’autres religions est un sacrilège condamné à la peine de mort[9]. On peut donc conclure que l’apostasie est considérée comme un sacrilège passible de la peine de mort dans toutes les religions (à des conditions variables)[10].
3- La philosophie de la condamnation de l’apostat.
Il faut tout d’abord énumérer certaines choses pour élucider la philosophie de la punition de l’apostat :
a- Les dispositions juridiques islamiques ont deux aspects : les dispositions juridiques privées et les dispositions juridiques publiques. Les dispositions juridiques publiques sont fixées dans l’intérêt général et certaines libertés individuelles se retrouvent restreintes pour garantir cet intérêt public. C’est une réalité irréfutable dans n’importe quelle société.
b- L’apostat qui a vraiment mené des investigations sans parvenir à la vérité est gracié auprès de Dieu et on ne saurait le condamner dans le cadre personnel[11]. Si par contre il n’a rien entrepris pour connaitre la vérité, il n’aura aucune excuse dans le cadre du droit privé.
Le comportement de l’apostat entre dans le cadre du droit public s’il entreprend des initiatives pour entrainer les autres membres de la société dans l’apostasie. Il est à ce titre considéré comme criminel. Tout d’abord parce qu’il a bafoué les droits des autres en semant le doute et la suspicion dans leur esprit, il a rependu les suspicions dans la société et ébranlé la foi des citoyens. Et comme l’analyse de ce genre de question incombe aux experts en la matière, la population pense qu’avoir un environnement sain est un droit dans la mesure où elle n’est pas capable de distinguer ces choses. Etant donné que la protection de la foi des gens est un droit fondamental, l’islam considère cela comme une question d’intérêt public. Raison pour laquelle elle promeut les valeurs religieuses[12] et condamne tout slogan antireligieux[13]. Donc si dans le cadre personnel l’apostasie n’est pas un crime, ce n’est pas le cas dans la sphère sociale.
C- Comme l’apostasie est un crime on peut justifier ainsi le bien fondé de sa condamnation :
1- Un crime qui mérite d’âtre condamné : La sentence contre l’apostat fait suite au trouble dans l’ordre moral. La punition prévue pour l’apostat doit être exemplaire selon le degré de confusion morale et spirituelle engendrée. En effet, toute société dans laquelle les convictions religieuses sont menacées et ébranlées ne connait pas de bonheur, quels que soient ses progrès technologiques, c’est pour cela qu’en plus de l’apostasie, toute acte susceptible d’ébranler les convictions sociales est passible d’une sévère punition, tel que l’injure envers le Noble Prophète (ç) de l’islam et les Imams Infaillibles (as). Certes, piétiner la sainteté de ces valeurs ouvre la voie à l’altération et l’anéantissement de la religion.
2- Dissuader l’apostat de continuer à rependre ses idées : L’apostasie ne peut être considérée comme crime civil aussi longtemps que l’apostat n’a pas manifesté publiquement sa position. La peine sévère définie par l’islam ferme toutes les voies de propagation de l’apostasie.
3- Exprimer l’importance de la religion dans la société : Toute société laisse entrevoir les valeurs quelles défend à travers les lois qui régissent son code pénal. La peine sévère fixée pour le délit d’apostasie exprime la nécessité de préserver la foi (religieuse) dans la société.
4- Exhorter les gens à réfléchir murement avant d’embrasse une religion : La punition de l’apostat est une manière d’exhorter les non musulmans à mieux réfléchir avant d’opter pour l’islam. Cela empêche la foi hâtive et précaire.
5- Rémission pour le châtiment le jour du jugement : Religieusement, le châtiment ici-bas vise à réduire celui dans l’au-delà. Dieu est si Clément qu’Il ne punira pas quelqu’un deux fois pour un même crime. Des hadiths montrent que la punition ici-bas efface celle dans l’au-delà. Et pour instaurer la justice, on encourageait les criminels à confesser leur crime. Notons quand même qu’en dehors de la punition ici-bas, Dieu a prévu d’autres voies comme le repenti sincère pour la rémission des péchés dans l’au-delà.
Le pêcheur qui se repend sincèrement verra ses péchés absouts sans même avoir besoin d’être puni ici-bas.
D- La prévention dans la législation : Peut être que tous les exemples évoqués pour illustrer la philosophie du châtiment de l’apostat et ce que révèle le saint coran au sujet des complots des gens du livre[14] ne reflètent vraiment pas la réalité. C’est-à-dire que l’apostat n’a peut être aucunement l’intention de troubler l’ordre social ou bien l’apostasie n’a vraiment pas d’effet négatif sur les croyances de la société. Malgré tout cela, l’islam ne fait aucune rémission de peine pour l’apostat. Pourquoi ? En d’autres termes, il est probable que l’un des exemples de la raison de la condamnation de l’apostat ne soit pas valable. Alors pourquoi l’islam ne fait pas la rémission pour ce cas ? La réponse est simple : Chaque législateur étend plus le cadre de l’application d’une loi que la raison de son adoption. C’est ce qu’on appelle législation préventive. Elle se justifie par plusieurs raisons dont deux sembles plus évidentes :
- Parfois la cadre définissant réellement et précisément l’objet d’une loi n’est pas de nature à laisser à l’homme le pouvoir de le déterminer comment l’appliquer. Les circonstances justifiant l’interdiction de stationnement pour les voitures dans une rue par exemple peut révéler du souci de réguler la circulation dans cette rue. Or cette raison n’a pas de signification pendant les heures creuses où il n’y a pratiquement personne dans la voie. Or le centre de régulation de la circulation maintient toujours l’interdiction de stationner dans cette rue, tout simplement parce qu’il ne peut pas confier à la population le soin de déterminer quand est-ce que la circulation sera fluide ou non.
- Parfois une loi est si importante que le législateur élargit son champ d’application juste de manière préventive afin d’être certain que la population respectera cette loi. Comme par exemple une caserne militaire. Par exemple l’Etat peut prévoir des kilomètres carrés d’espace pour une installation militaire qui doit être loin de porté de vue des gens. Mais l’armée décide d’élargir un peu plus la grille à cause de l’importance de la base et pour être certaine que personne ne s’y aventura.
Dans le système législatif islamique, ces deux éléments poussent Dieu à élargir le cadre d’application d’une loi par rapport à con objet et son bien fondé. Afin que sa philosophie se concrétise absolument.
Pour mener plus de recherche sur le thème de la philosophie du châtiment en islam, il faut consulter :
- La philosophie du droit de Qodratollah Khosroshahi, institut de recherche, Imam Khomeiny, page 201-222.
- La justice divine de Shahid Motahari Mortadha, les éditions Sadrâ.
- Commentaire du verset : « Point de contrainte en religion » dans Tafsir Al Mizan vol 2, page 278, Tafsir Nemouneh, vol 2, page 360.
[1] - « Point de contrainte en religion » sourate Baqarah : 256.
[2] - Pour plus d’information, confère des études tendances islamiques, question réponse selon les chiites et les sunnites, page 116-117.
[3] - Tahrir ul Wasa’il, Imam Khomeiny, vol2, page 366.
[4] - Tahrir ul Wasa’il, Imam Khomeiny, vol1, page 118.
[5] - Tahrir ul Wasa’il, Imam Khomeiny, vol2, page 336, certains pensent que
’un des parents doit être musulman lors de la naissance de l’enfant ; (Ayatollah Khomeiny, Mabani Takmilat ul minhaj, vol 2, page 451. D’autres ne reconnaissent pas la manifestation d’être musulman après la puberté comme condition (Shahid Thanî, Masalik ul Afhâm, vol 2, page 451).
[6] - Tahrir ul Wasa’il, imam Khomeiny, vol 2, page 336.
[7] - Tahrir ul Wasa’il, Imam Khomeiny, vol 2, page 494.
[8] - al Fiqh alâ mazahib il arba, Abdou Rahman Jaziri, vol 5, page 424. Un peu comme les chiites, Abou Hannifah ne fait pas de différence ici entre l’homme et la femme (Abou Bakr Kasani, Badâ’il ul sana’i, vol7, page 135). Hassan Basri n’accepte pas l’invitation au repenti (Ibn Qidama, al Moughni, vol 10, page 76).
[9] - Ancien testament, 2 Chroniques chapitrent 13, 2 Rois chapitrent 13.
[10] - Certains considèrent la peine de mort pour l’apostasie comme une réprimande qu’un châtiment. Ils estiment que la réprimande appartient entièrement au juge et qu’aucune forme n’a été islamiquement prévue pour cela. Donc on ne peut pas dire que selon l’islam, la condamnation pour l’apostasie est la peine capitale. Dirasât fi wilayt ul faqih wa fiqh ul Daolati islamiyya , Hossein Ali Mountaziri, vol 3, page 387, et aussi l’apostasie dans l’islam, Issah Wilayi, page 129-148.
[11] - Dieu dit : « Dieu ne met sur quelqu’un qu’une charge qu’il peut supporter » sourate Baqarah : 286
[12] - Sourate Hajj : 32
[13] - Sourate Ma’ida : 2
[14] - Sourate Ali Imran : 72